« Les visages de la pauvreté » issus de mon reportage « Effacés du monde », forment une série de portraits d’enfants pris en charge par l 'ONG « Sentinelles » basée en Suisse que j'ai suivi en Novembre-Décembre 2013 au Burkina Faso.
« Sentinelles » œuvre pour l'enfance meurtrie dans le Monde, notamment ceux touchés par le Noma : cette maladie est l’une de ses grandes batailles.
Parmi les enfants photographiés, certains ont déjà étés pris en charge lors de précédentes missions, d'autres vont l'être pour la première fois. D’autres ne pourront pas l’être pendant la mission en raison de risques trop grands de complications dus aux moyens limités sur place, mais plus tard, en Suisse.
Ces enfants sont les victimes de la pauvreté extrême, ils en portent sur eux les marques indélébiles.
J'ai voulu mettre en avant leurs portraits pour révéler les dégâts de cette horreur, qui pourraient être évités grâce à une prise en charge rapide et la prescription d’un antibiotique de quelques euros.
De plus, cette série montre l’engagement des associations mais aussi l’action chirurgicale -fondamentale- des médecins.
Mes choix techniques et esthétiques facilitent le face à face entre le lecteur et la personne photographiée, notamment le noir et blanc qui adoucit l’impact visuel des cicatrices.
Ces mêmes choix mettent en valeur la beauté des regards des enfants, favorisant un échange entre le spectateur et le sujet.

Effacés. Les gens que je photographie le sont à plusieurs niveaux : ils sont placés au dernier rang de leur société et sont souvent rejetés par leur communauté, car ils sont la preuve vivante d'une malédiction pour leur famille et pour leur village.
Effacés aussi car la maladie dévore leur visage. Noma vient du grec numein : dévorer.
Ils sont nés pauvres et subissent les mauvaises conditions de vie qui en découlent. Ils sont donc plus fragiles et vulnérables devant toutes les sortes d’infections.
Le Noma n’est pas assez reconnu et particulièrement des populations qui en sont les premières victimes aujourd’hui : les villages reculés du monde, où la pauvreté, la malnutrition sévère et le manque d’hygiène en sont les conditions de développement.
Le Noma existait encore en Europe jusqu'au début du XXème siècle. Des cas ont cependant été décelés pendant la deuxième Guerre Mondiale dans les camps de la Mort.
Aujourd'hui, chaque jour encore, plus de 400 enfants de moins de six ans sont touchés par cette maladie qui dévore irrémédiablement leur visage. Quelques heures après les premiers symptômes et l’inflammation qui gangrène de manière foudroyante, débutant par la bouche, il est déjà trop tard ! Il détruit à la fois les tissus mous et osseux. Le Noma nécessite donc une prise en charge dès les premiers symptômes sans quoi il risque d’entraîner la mort pour 80% des victimes. 20% vivent avec un visage meurtri et un traumatisme important.
Les associations, qui travaillent principalement en Afrique, ont besoin de soutien.
En Amérique du Sud et en Asie du Sud, où il est certain que le Noma existe, aucune association ne s'est encore vraiment créée pour aider les enfants qui meurent tous les jours dans l’indifférence.
Lorsque j’ai découvert le Noma en 2012, je me suis aperçue que souvent, les associations qui oeuvrent pour aider les personnes qui en sont atteintes présentent sur leur site des images qui illustrent trop brutalement l’horreur. Cela dessert l’objectif qui est de fédérer le plus grand nombre de personnes à la cause de cette maladie encore taboue en Europe.

Etant sensibilisée aux problématiques sociales et humanitaires en France et à l’étranger, mes sujets de prédilection portant sur des causes oubliées de l’actualité, il m’est apparu évident de travailler sur ce sujet.

Début 2013, j’ai donc contacté certaines de ces associations pour les aider à faire connaitre leurs actions. C’est ainsi que de mars à mai 2013, j’ai suivi « Project Harar » en Ethiopie. Sa mission consiste à soigner des personnes atteintes de malformations au visage souvent dues à des maladies, dont le Noma. J’ai accompagné ensuite en novembre 2013, « Sentinelles » au Burkina-Faso.
J’ai décidé d'aller à la rencontre des malades et de rendre compte de l'importance d’un travail qui permet aux victimes d’avoir un autre destin que celui que la maladie leur inflige.
Je témoigne également de leur courage à faire face et je souhaite mettre en lumière l’engagement des médecins pratiquant l’acte chirurgical et réparateur dans les salles d'opération.

Je souhaite donner une visibilité à ce qu’il est difficile d’affronter pour faire connaître le Noma au plus grand nombre.
Comme on me l’a confié : « c’est déjà tellement bien de se retrouver avec quelque chose qui ressemble presque à un nez, de pouvoir desserrer les dents, ouvrir un peu la bouche... que malheureusement, ils ne sont pas toujours au rendez-vous de la prochaine mission quelques mois plus tard ». Ils pourront cependant, pour la plupart d'entre eux, retourner dans leurs villages avec de nouvelles perspectives de vie car enfin un autre regard sera porté sur eux.